Brochet : vers une surprotection dès Avril 2023

Dimanche 29 janvier 2023 : Fin de pêche pour le brochet.

Le dernier dimanche du mois de janvier sonne l’arrêt de la pêche du brochet [et des carnassiers en général].

La raison? Comme chaque année, le brochet va entrer de manière imminente dans sa période de reproduction qui démarre dès le début février et va s’étaler jusqu’au mois de mars.

 

Des zones inondables pour se reproduire

Le support de ponte idéal pour l’espèce-repère* de notre département est une prairie inondée connectée au cours d’eau, et dont les niveaux d’eau sont les plus stables possibles.

En effet, la ponte du brochet va être déclenchée grâce à la température de l’eau, laquelle montera plus vite sur les prairies inondées et les zones d’expansion de crues. 

 

La stabilité des niveaux pour assurer l’éclosion

Les eaux sont hautes en cette mi-janvier 2023 et avec de la chance (et une forte volonté politique), les niveaux se maintiendront jusqu’au déclenchement des pontes entre début février et mi-mars.

Et c’est impératif pour assurer la préservation du brochet.

Sur les cours d’eau libres dépourvus d’ouvrage de régulation, ces niveaux sont dépendants des précipitations ce qui rend donc aléatoire le succès d’une forte reproduction. 

En revanche, partout où les zones de frayère sont gérées par des ouvrages  hydrauliques (une grande majorité en Loire-Atlantique), l’homme peut influencer les niveaux d’eau pour assurer la préservation de l’espèce brochet et plus généralement, la biodiversité de nos cours d’eau, car quand le brochet se porte bien, l’ensemble des espèces accompagnatrices se portent bien !

 

L’espèce est devenue vulnérable 

Certains secteurs  sont en effet devenus critiques pour l’espèce qui est classée « vulnérable » par l’Union Internationale de la Conservation de la Nature [UICN] : les irrégularités des niveaux de l’Isac  pour les besoins agricoles (canal de Nantes à Brest) gérés par l’EPTB Eaux & Vilaine par exemple, ou celles du canal de Haute Perche géré par la comcom de Pornic sont néfastes au brochet : le yoyo hydraulique généré par l’interaction entre les précipitations et l’abaissement volontaire et continu des eaux bien en- deçà des seuils de prévention des inondations est destructeur pour la reproduction naturelle, et le frai n’a pas le temps d’éclore qu’il se retrouve à sec en quelques jours, voire quelques heures (voir notre vidéo ci-dessous).

La Fédération de Loire-Atlantique pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique tente d’alerter les autorités depuis qu’elle assiste au déclin des stocks de juvéniles mais les oreilles restent sourdes et les yeux demeurent fermés.

 

 

La préservation avant tout !

Les périodes de fermetures spécifiques de la pêche sont gérées par les pêcheurs au profit des espèces piscicoles. Pour le brochet, cette fermeture est comprise entre le dernier dimanche de janvier et le dernier vendredi d’avril et correspond à la période de reproduction de l’espèce : ainsi le brochet doit être « laissé tranquille » entre février et avril afin qu’il accomplisse son cycle de reproduction.

 

Les pêcheurs face à l’inaction environnementale des autorités

Pas d’eau… pas de poisson…

En ces périodes de sècheresses intenses que nous avons traversées en 2021 et 2022 et de pénuries hivernale d’eau dans les nappes phréatiques qui perdure encore à cette heure (voir l’état de la situation des nappes d’eau souterraines de janvier 2023 par le BRGM), le déclin des stocks de brochet sera inexorable tant que les inondations partielles seront chassées systématiquement par les gestionnaires de l’eau (ce qui ne joue pas non plus en faveur de la recharge des nappes).

Alors, les pêcheurs se doivent de réagir et de tenter ce qu’ils peuvent à leur échelle : Outre les différents dispositifs de protection déjà mis en place par les pêcheurs eux-mêmes (taille minimale de prélèvement, quotas, réserves de pêche, périodes de fermeture spécifique, interdictions de pêche ciblées), les pêcheurs de Loire-Atlantique s’apprêtent à expérimenter un nouveau dispositif qui vise à protéger les plus gros reproducteurs.

 

Le principe d’une fenêtre de capture en expérimentation

En effet, dès l’ouverture de printemps du brochet au dernier samedi d’avril prochain, certains secteurs expérimenteront la fenêtre de capture : 

À la demande expresse des pêcheurs, un renforcement de la protection de l’espèce brochet sera mis en place sur certains sites de Loire-Atlantique.

Plusieurs sites départementaux en cours de sélection vont expérimenter la mise en place d’une fenêtre de capture sur l’espèce brochet.

Sur les plans d’eau et tronçons de cours d’eau concernés par la fenêtre de capture, les pêcheurs ne pourront conserver QUE les brochets dont la taille sera comprise entre 0.60 et 0.80 mètre.

Sur ces zones, les poissons dépassant la taille de 0.80 mètre seront obligatoirement et immédiatement remis à l’eau après leur capture.

 

Pour cette expérimentation, des mesures de suivi seront mises en place afin d’évaluer son efficacité.

Le quota de 3 carnassiers/pêcheur/jour dont 2 brochets maxi reste actif.

Plus d’infos sur le dispositif de fenêtre de capture et les sites sur lesquels elle sera appliquée sur notre article dédié ICI.

 

*Espèce-repère : Une espèce-repère est une espèce représentative de l’ensemble d’un peuplement piscicole et du type de milieu auquel elle est associée. Cette espèce, qui présente une très grande éco-sensibilité vis à vis des perturbations subies par le milieu aquatique, aura donc un véritable rôle d’indicateur biologique de la qualité écologique du milieu aquatique.