Les premiers hurlements des tronçonneuses ont été entendus dès le début de ce mois de janvier : deux associations d’insertion (AIRE de Blain et Accès-Réagis de Prinquiau) se sont partagées un linéaire de près de 5 kilomètres d’entretien des berges du ruisseau.
Encadrées par les deux techniciens-rivière de la fédé (Cédric Titeux, technicien milieux aquatiques et Laurent THIBAULT, chargé des travaux rivière à la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique), les deux équipes d’insertion professionnelle ont élagué, débroussaillé et libéré le cours de cette rivière d’eau vive durant un peu plus d’un mois de travail, les techniciens fédéraux s’étant réservé les abattages les plus délicats.
« L’objectif de cette intervention est triple » explique Cédric TITEUX, technicien chargé du projet à la fédération de pêche 44: « rétablir un bon fonctionnement hydraulique, améliorer l’accueil écologique du ruisseau et y promouvoir la pêche » en menant des actions sur la végétation rivulaire mais aussi dans le lit mineur du cours d’eau ».
La genèse de ce projet remonte à quelques années déjà, lorsque des pêches d’inventaires ont révélé la présence sur ce ruisseau d’espèces qui accompagnent habituellement la truite fario dans les eaux vives : loches de rivière, vairons, goujons et surtout chabot.
Ce petit poisson aux allures de créature abyssale est présent de manière « incroyable » sur ce tronçon (plus de 700 individus, toutes classes d’âge confondues, sur 70 mètres linéaires !) ce qui est plutôt exceptionnel en Loire-Atlantique. Autres relevés non moins importants : les indices IBGN (Indice Biotique Global Normalisé) qui attribuent une note au cours d’eau pour sa qualité écologique, en fonction des insectes aquatiques qu’il abrite : 14/20 ! (presque un record dans des zones très agricoles).
La raison de ce maintien de la qualité de l’eau ? Sans doute un concours de circonstances et d’actions successives comme la présence de nombreuses zones humides tout au long du ruisseau et leur capacité à l’auto-épuration, mais aussi, la mise en place des bandes enherbées obligatoires et enfin, la morphologie même du cours d’eau, lequel a conservé une excellente dynamique malgré les méfaits passés des remembrements et autres recalibrages de cours d’eau.
Pourquoi est-ce si intéressant ? Parce que ces indicateurs biologiques ouvrent des perspectives encourageantes pour l’introduction (ou ré-introduction) d’un poisson bien plus connu et très recherché des pêcheurs aux lignes : la truite fario. Oui, dame mouchetée emménagera bientôt dans ses nouveaux quartiers où sables, graviers et blocs rocheux jonchent la rivière pour notre plus grand plaisir !
Joël JOSSE, le président de la Gaule blinoise n’a pas ménagé ses efforts pour assurer la maîtrise foncière du linéaire : « J’ai tout de suite été séduit par le projet proposé par la fédération et ensemble, nous avons démarché tous les propriétaires et exploitants agricoles riverains. Il nous fallait recueillir les baux de pêche par convention écrite pour valider un tel projet »! « Au début, les gens nous voient arriver d’un œil méfiant, puis au deuxième rendez-vous les tensions s’apaisent, et lorsqu’ils ont identifié les acteurs et les objectifs, compris que la mise en valeur de leur territoire est aussi bénéfique pour nous que pour eux, ils nous donnent leur bénédiction » !
Et merci à eux !
C’est là que tout démarre, et qu’il ne faut décevoir personne…Car ce type de cours d’eau est plutôt rare en Loire-Atlantique, et c’est la raison pour laquelle la fédération a souhaité mener à bien ce projet avec la double compétence maîtrise d’ouvrage/ maîtrise d’oeuvre : elle a ordonné et conduit les travaux de concert.
Le ruisseau n’étant pas entretenu depuis de nombreuses années, les arbres à extraire étaient plutôt conséquents et les nombreuses zones humides bordant la rivière ne permettaient pas l’usage d’un tracteur (sol trop meuble). Personne, parmi les bûcherons, ne se voyait manipuler des volumes de bois et de branches aussi importants…
La solution? Un moyen à la fois puissant, d’une extrême maniabilité et très peu impactant pour les sols : le cheval, et plus exactement, le trait du Nord.
Cet équidé massif (près d’une tonne tout de même!) et agile s’est révélé d’un aisance déconcertante pour extraire tous les gros arbres abattus !
Un pur bonheur de voir Luc Le Scouarnec (débardeur- débusqueur par traction animale au Dresny, Plessé) intimer d’un seul mot les ordres techniques à ses chevaux ! Au doigt et à l’œil, le bois est débardé, acheminé hors de la zone de crue et rangé parallèlement… « On ne remplace pas la machine lorsqu’il faut réaliser des coupes à blanc» explique Luc, « mais dès qu’il faut travailler dans le respect du sol, préserver les semis, travailler en zone humide ou sur de fortes pentes, rien
ne remplace la redoutable efficacité du cheval ».
Le résultat est spectaculaire : débarrassé de ses nombreux embâcles obstruant son lit mineur, le ruisseau du Pont Serin retrouve rapidement sa dynamique d’eau vive. Bien sûr, tous les obstacles n’ont pas été retirés de manière systématique, mais plutôt sélectionnés, pour assurer une présence continue des habitats essentiels à la vie du poisson, sans pour autant générer des barrages naturels instables qui pourraient céder lors de fortes crues.
Une deuxième phase de travaux en août 2016 :
Une deuxième phase de travaux interviendra au mois d’août prochain. Le lit du cours d’eau, dont la nature est déjà assez favorable aux espèces d’eau vive, va bénéficier d’une recharge en granulats (déversement de graviers et de blocs rocheux, calibrés pour favoriser la présence et le maintien de la truite fario et du chabot. Car l’objectif est également halieutique : la promotion du loisir-pêche passe nécessairement par la valorisation des espaces aquatiques en favorisant la présence des espèces piscicoles.
Les effets bénéfiques vont donc profiter aux poissons, mais aussi aux pêcheurs car dès le samedi 12 mars prochain, à l’aube de l’ouverture nationale de la pêche de la truite, les berges du Pont Serin seront, on l’espère, arpentées par les plus dynamiques des pêcheurs !
Promotion départementale de la pêche de la truite
Bien que la Loire-Atlantique ne soit pas un territoire où pullule la truite fario (ses eaux sont trop calmes et pas assez oxygénées pour cette espèce), la fédération Départementale de pêche et de protection du Mileu Aquatique promeut depuis deux saisons l’ouverture de la truite auprès de ses AAPPMA (Associations Agréées pour la Pêche et la protection du Milieu Aquatique). La politique de développement du Loisir-Pêche cible prioritairement la journée promotionnelle en étangs ou cours d’eau, mais concerne de plus en plus des petits cours d’eau un peu délaissés par les pêcheurs, mais avec un potentiel et une dynamique hydraulique valorisable plus ou moins temporairement pour la pêche de la truite.
A l’avenir, d’autres cours d’eau ligériens pourraient bénéficier du même traitement que le ruisseau du Pont Serin.
Rappel des intervenants :
Initiateur du projet : Laurent THIBAULT, chargé des travaux-rivière et de la communication à la fédération de pêche 44
Responsable du projet et conducteur des travaux : Cédric TITEUX, Technicien Milieux Aquatiques à la fédération de pêche 44
Intervenant 1 : Association d’insertion AIRE, de Blain (réalisation des travaux d’élagage et de débroussaillage, zone amont)
Intervenant 2 : Association d’insertion ACCES- REAGIS, de Prinquiau (réalisation des travaux d’élagage et de débroussaillage, zone aval)
Intervenant 3 : Luc Le Scouarnec, débardeur-débusqueur à cheval (entreprise LLS Traction Animale, Le Dresny, Plessé).